Taxo, Tatzo, Stabulum, Via Domitia ?...
BISLY Jean-Pierre
jean-pierre.bisly@orange.fr

Faut-il parler d’une VIA DOMITIA ou de plusieurs VIAE DOMITIAE ?

 

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Tout autant que les humains se sont déplacés à pied ou à cheval, ils n’ont eu besoin que de sentiers. Mais à partir du moment où la roue a été inventée, puis le chariot, il est évident qu’ils ont dû essayer d’aménager des routes. Sur ce point, un petit rappel chronologique n’est pas superflu.

 - 3500 : Invention de la roue (en bois et pleine) par les Sumériens

-  2000 : Invention de la roue à rayons      

-   800 : Les Celtes inventent le fer à cheval et construisent des chariots à 4 roues à rayons. 

Et ce n’est que cinq siècles plus tard (-312) que les Romains construisirent la Via Appia. Et deux siècles encore plus tard (-118) la Via Domitia.

 Croit-on vraiment que les Gaulois, les Celtes, les Ibères et les Celtibères étaient assez bêtes pour faire des routes tordues quand ils pouvaient aller tout droit en terrain ferme ? Ce qui semble certain c’est qu’ils se sont contentés d’araser des terrains sans construire des corps de chaussées élaborés (comme les Romains le feront plus tard). Ainsi en est-il allé, très certainement de la Via Heraklea. Et croit-on encore que Barberousse était assez bête pour gaspiller des "as" et des "sesterces" en construisant une voie toute droite « ab nihilo » alors qu’il lui suffisait de réaménager une voie existante ?

 Avant que les Romains ne colonisent l’Europe du Sud par voie terrestre, les côtes de la Méditerranée ont été sous l’influence « commerciale » des Phéniciens, des Grecs et des Etrusques. Ces derniers n’avaient que faire de conquérir des territoires. Ils se sont contentés d’établir des comptoirs là où il était facile d’accoster ou d’aménager des ports comme à Empuries, Rosas, Collioure, Lattes, Agde et Marseille, et probablement aussi : Llança, Colera, Port-Bou, Cerbère,  Port-Vendres, Leucate, Gruissan, Sète, Aigues-Mortes …

 Et il paraît évident qu’une voie, proche du rivage et aménagée au fil du temps par les autochtones, a dû relier ces centres commerciaux : la Via Heraklea. Il est donc logique de penser que, pour passer les Pyrénées au plus près du rivage, elle devait emprunter le Col de Bélitres (altitude 268 mètres) où se trouve aujourd’hui le poste frontière de Cerbère. Venant de Ruscino et d’Illiberis, elle ne pouvait passer que par Tatzo d’Avall, Pujols et le Racou pour aller rejoindre Collioure.

 Elle a certainement été empruntée par une partie des troupes d’Hannibal. Une deuxième partie aurait emprunté le Col de Banyuls pour faire jonction à … Banyuls-sur-mer. Un troisième contingent serait passé par le Col de la Carbassera pour faire jonction au pied de la Pave (entre Argelès-sur-mer et Sorède) et, peut-être, un quatrième venant des Cols du Perthus et de Panissars après avoir longé la plaine au pied des Albères. Les troupes carthaginoises ainsi regroupées ont établi leur camp dans les environs d’Illiberis : probablement des deux côtés  du Tech au cas où il aurait fallu livrer bataille. On pense ici à Palol d’Avall, à Sainte Eugénie de Tresmals et à Tatzo d’Avall …

 Quant aux Romains, à la fin de la deuxième Guerre Punique (-201) ils ont entrepris de soumettre l’Hispanie. Nul doute qu’ils ont commencé par le plus facile en passant par Cerbère et Banyuls. Ce qui leur aura probablement permis de passer ensuite par le Col de la Carbassera, par le sud et par le nord, afin de prendre en tenaille les goulets peu sûrs d’Ultrera et de Montbram. Et, enfin, par le Col du Perthus, après s’être rendus maîtres de Clausurae.

 Ce faisant, ils ont emprunté les chemins d’Hannibal à l’envers, des chemins que, quatre-vingts ans plus tard, « Barberousse » ne pouvait ignorer en lançant les chantiers de la Via Domitia. On sait que cette dernière passait par Narbonne, près de Ruscino et près d’Illiberis. Compte-tenu de son intérêt stratégique et de ce que l’on sait des techniques de construction des voies romaines, la logique voudrait qu’elle ait été établie en ligne droite au milieu de la plaine entre le Tech et les Albères, en passant par Saint-André et Saint-Génis-des-Fontaines. Ce qui impliquerait que l’on ait franchi le Tech au sud d’Illiberis (à Sainte Eugénie de Tresmals ?) avec, quelque part plus au sud, (Tatzo d’Avall ?) un « carrefour » sur la Via Heraklea pour tourner à droite vers la nouvelle Via Domitia.

 Malheureusement, les résultats de fouilles archéologiques ne permettent pas aujourd’hui (décembre 2009) de l’affirmer avec certitude. D’autant plus que l’on ne sait pas si un tel aménagement a été réalisé au moment de la Via Domitia ou un siècle plus tard, en liaison avec la Via Augusta en Espagne.

 Pour ma part, et à cause de STABULUM, je pencherais pour la deuxième solution. En effet, Stabulum n’est cité ni par la Table de Peutinger, ni par les gobelets de Vicarello. Il n’est cité que par l’Itinéraire d’Antonin. Il faut rappeler ici que ce dernier aurait été élaboré sous le règne de Caracalla (+211 / +217), lequel appartenait à la « gens » nommée Antonius. Or, cet itinéraire fait mention de Constantinople. Il a donc été remanié et « réédité » postérieurement à +330, l’année où Constantin 1er fit de Constantinople sa capitale.

 Et il n’est pas interdit d’imaginer que « Statio ad Stabulum » se soit établie au fil du temps, près du carrefour entre la Via Heraklea et la Via Domitia,  pour devenir plus tard ce village médiéval dont les Vicomtes de Tatzo (d’Avall) devaient faire leur place forte.